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« Et ainsi nous arrivâmes à Rome »

par T. Austin-Sparks

Publié pour la première fois dans le magazine « A Witness and A Testimony » Sep-Oct 1951, Vol 29-5. Source : « And So We Came To Rome ». (Traduit par Didier Lebeau)

Lecture : Romains 1 :10-15 ; 15 :22-24, 32 ; Actes 19 :21 ; 27 ; 28

Une Destinée terrestre ayant une Portée Céleste



Il n’est pas nouveau de parler du voyage de Paul non seulement comme le récit d’un voyage mais comme représentant des déroulements spirituels de la relation entre Dieu et son Église durant la présente dispensation. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne la dernière phase de l’histoire de l’Église qui est en quelque sorte illustrée par les dernières années de l’apôtre Paul. Les interprétations divergent mais la trame principale demeure la même : le navire sur lequel voyagea Paul représente l’Église et son entière désintégration à la fin de cette dispensation. Personnellement, je ne peux souscrire à cette interprétation, mais je ne rejette pas entièrement l’interprétation figurative du dernier périple de l’apôtre. Je préfère mettre l’accent sur le côté positif de ce récit.

Nous mentionnerons cinq aspects de ce récit qui peuvent s’appliquer symboliquement à l’histoire de l’Église. Tout d’abord il y a Paul et ses compagnons : Aristarque de Macédoine et Luc le physicien, je pense qu’ils représentent l’Église. Ensuite il y a le navire, il représente tous les moyens déployés par l’homme et utilisés par Dieu afin d’accomplir son dessein. Puis nous avons la mer qui très souvent dans les Écritures représente l’humanité. Après nous avons l’armateur et l’équipage qui nous parlent des hommes du monde et de la façon dont ils affectent l’Église et comment l’Église les touche. Enfin nous avons les éléments qui sont parfois effrayants et qui à d’autres moments semblent plaisants, mais en réalité ils sont toujours hostiles. Toutes ces choses résument les aspects de cette histoire, nous devons maintenant en venir au message qui s’y trouve.

Le Point de Mire – L’Église et sa Fonction Céleste


Nous avons tout d’abord à considérer la place que prend ce récit dans le large contexte des pensées divines et ceci est lié à la fin de l’histoire de l’Église. Le but était très clairement Rome, c’est à cette ville que Paul donna particulièrement son attention à la fin de ses jours ; il désirait y rencontrer les saints et partager avec eux quelques bénédictions spirituelles. Nous savons que c’est de Rome que Paul écrivit ces lettres qui, plus que tout autre chose, ont fait la richesse spirituelle des croyants à travers les siècles. C’est de Rome qu’il écrivit les lettres aux Éphésiens, aux Colossiens et aux Philippiens ; il est fort possible que ces lettres aient été influencées par la visite de l’apôtre à Rome. Paul était un homme qui remarquait habituellement tout ce qui l’entourait, les personnes et les lieux, qui s’intéressait à tant de choses étant très observateur ; aussi il est facilement envisageable qu’il ait été impressionné par Rome, la capitale d’un des plus puissants empires de tous les temps. Cette cité représentait tant de choses dans le monde actuel de Paul que sa grandeur et son influence ne lui échappèrent pas. Il est tout aussi facile d’imaginer l’apôtre convertir tout ce qu’il voyait en principes spirituels. Ceci est apparent dans ses lettres qui contiennent beaucoup d’instructions spirituelles, qui ont pour arrière-plan des pratiques de la société romaine.

Par exemple, Rome était le grand centre gouvernemental du monde d’alors. Le contrôle gouvernemental était alors à l’échelle mondiale, il y existait une universalité quant à ce gouvernement. Rome était prééminente parmi toutes les nations, c’était le lieu de toute-dominance ; et nous savons qu’il y avait une grande fierté à être citoyen romain. Le chiliarque dit à Paul : « J'ai acquis ce droit de citoyen pour une grande somme. » Paul lui répondit : « Moi, je l’ai par ma naissance. » Ceci eut pour résultat que l’officier dut reconnaître la supériorité de Paul dans ce domaine.

Maintenant, si nous considérons ces lettres écrites de Rome, nous y retrouvons ces aspects en relation avec l’Église. Son universalité : son absolue suprématie dans les conseils de Dieu – la domination concentrée dans l’Église pour les âges à venir, nous retrouvons ces choses dans la lettre aux Éphésiens. Ensuite nous avons cette question de citoyenneté dans la lettre aux Philippiens, Paul ne se vante pas d’être citoyen romain, bien au contraire : « Notre cité à nous est dans les cieux [notre citoyenneté est céleste], d'où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus Christ. », Philippiens 3 :20. Bien sûr que Rome a fait grande impression sur Paul, mais il transpose toutes ces choses dans le domaine spirituel.

Son but n’était pas de se rendre à Rome pour voir la ville, c’était la vocation et la destinée de l’Église en union avec Christ qui a la prééminence dans toutes choses. C’est ce qui résume les lettres aux Éphésiens, aux Philippiens, et aux Colossiens : la toute prééminence de Christ et l’Église qui ne fait qu’un avec Lui. C’est ici le but de ce voyage, cela dépasse de loin les choses d’ici-bas.

Le But de Toutes Choses est Divinement Planifié


Considérons maintenant les voies empruntées pour parvenir au but. L’arrivée de Paul à Rome était l’issue de nombreux détails de son périple. Tout d’abord il y avait dans le cœur de l’apôtre un désir qui allait au-delà du naturel, au-delà de ce qu’il aurait pu désirer pour lui-même, c’était la volonté du Seigneur ancrée dans le cœur de Paul. Il y avait sans doute un certain nombre d’aspects quant à cette volonté que Paul voyait différemment du Seigneur, mais le désir était bien présent, cette disposition à vouloir voir les frères qui étaient à Rome ; d’aller à Rome pour des raisons spirituelles. Des désirs sont mis dans nos cœurs par le Seigneur. Très souvent nous ne les interprétons pas comme nous le devrions, nous les considérons de notre propre façon, alors le Seigneur doit nous passer au crible pour nous rendre conformes à sa pensée. Bien que le Seigneur fasse les choses de façon très particulière, bien souvent le désir en nous est bien présent et louable.

Aussi, ce voyage commença avec un désir dans le cœur d’un homme entièrement consacré au Seigneur ; nous devons bien garder en mémoire ce fait. Dans tout ce que nous allons considérer il est vital de se rappeler que tout est accompli à travers un homme qui est entier pour Dieu. Il y avait en cet homme l’aspiration, la détermination, et l’expectative.

Les Malheureuses Tentatives Humaines pour Atteindre le But


Nous observons donc une suite d’évènements qui illustre la main de l’homme sur les affaires de Dieu. Lorsque, par exemple, lors du long procès de Paul à Jérusalem, alors que Paul sait que certains sont déterminés à le faire mourir, l’apôtre s’écrit : « J’en appelle à César ». Était-il présomptueux ou impulsif de faire cet appel ? Plus tard, le roi Agrippa dit de lui : « Cet homme aurait pu être relâché, s'il n'en avait appelé à César. », Actes 26 :32. Nous sommes alors tentés de dire : « Quel dommage que Paul en ait appelé ainsi à César ! » Avait-il été irréfléchi ou bien plutôt rusé ? Avait-il pressenti que s’il avait été libéré, ses jours étaient comptés, puisqu’il y en avait tant à Jérusalem qui désiraient le voir mort ? Plus de quarante hommes avaient fait le serment d’exécration de ne plus manger ni boire jusqu’à ce que Paul soit mort. Mais peut-être que Paul pensait que le moyen le plus rapide d’atteindre Rome était d’en appeler à César, ainsi l’empire paierait pour les dépenses du voyage. Ceci n’est qu’une supposition, mais elle est plausible. Quoi qu’il en soit, qu’il ait été impulsif ou pas, qu’il ait fait une erreur en en appelant à César ou pas, ou bien qu’il ait usé de ruse ou pas, le fait est que tout était en fait dans les mains du Seigneur. Peut-être faisons-nous des erreurs, peut-être sommes-nous trop impulsifs quant à une chose ou l’autre, peut-être agissons-nous parfois avec précipitation, mais si nos cœurs sont vraiment à Dieu, aussi consacrés au Seigneur que l’était celui de Paul ; alors le Seigneur peut rectifier nos erreurs et redresser nos maladresses.

Nous voyons donc qu’il y a des différences entre la façon avec laquelle Paul pensait parvenir à Rome et celle qui lui fut dévolue. Il avait planifié son voyage, avait fait des arrangements afin d’aller édifier les saints à Jérusalem, puis il se serait retiré d’eux pour aller à Rome. Ses intentions étaient nobles, mais combien le déroulement des choses fut différent de ce qu’il escomptait !

La Souveraineté de Dieu Dominante et Prédominante


L’enseignement que nous tirons de ce qui précède, est que l’Église ne parvient pas au but divinement planifié de façon assurée. Même lorsque le cours sur lequel nous sommes engagés, est celui du Seigneur et est régulé par le Seigneur Lui-même, nous ne sommes pas à l’abri de quelques remous dus à nos faiblesses, à quelque difficulté ou encore aux diverses adversités. Certaines de ces choses semblent parfois avoir le dessus et tout semble sombrer jusqu’au désespoir. Nous devons réaliser que notre course est contrôlée par le Seigneur, non seulement Il domine sur les choses invisibles, mais Il prédomine sur celles qui sont visibles. Ces deux choses sont parfaitement complémentaires : Dieu domine dans les cieux et Il prédomine ici-bas. Dans le cours des choses il y aura toujours de la place pour argumenter quant aux adversités, calamités, déceptions et autres défaites. Ces choses seront un terrain fertile pour le doute, les regrets et même les jugements disproportionnés. Si nous ne nous maintenons pas sur nos gardes, nous pouvons très tôt nous exclamer : « Quelle perte ! Quelle défaite ! Ceci est le résultat de mon incompétence et il ne reste que du désastre ! » Si Paul avait été comme certains d’entre nous, il se serait peut-être exclamé : « Je voudrais tant ne pas avoir fait appel à César ! Je suis dans une telle tourmente, je vais me retrouver au fond de la mer et toute mon œuvre est terminée ! » Si nous sommes ainsi prédisposés, il sera facile de tomber dans la condamnation à cause de nos erreurs. Mais le Seigneur ne s’est jamais comporté de la sorte avec son peuple, Il ne nous condamne pas parce que nous faisons des erreurs. Si nous voulons douter, nous en aurons souvent l’occasion. Si nous voulons parler de tragédies, nous ne manquerons pas d’expériences tragiques. Si nous tombons facilement sous la condamnation, nous en serons souvent affligés. La voie vers le but n’est pas une voie libre de toutes ces choses, ni libre de mal les interpréter. En vérité, le Seigneur prédomine sur toutes ces choses, et à la fin nous pourrons dire : « Et ainsi nous arrivâmes à Rome » ; le but a été atteint malgré et à travers les innombrables difficultés.

Le But de Dieu n’est pas Frustré par la Faiblesse des Hommes


Il nous faut relire le récit tout entier pour percevoir ce dont il est question. Quel voyage ! Quelle odyssée ! Tout était menacé de destruction, tout semblait perdu. Mais le but fut atteint, Paul, Luc et Aristarque, représentant l’Église, étaient tous présents à Rome à la fin. Ils ne furent pas perdus et l’Église, représentée par ces hommes, fut justifiée. Ils avaient exprimé leur avis, avaient prévenu des dangers encourus, ils avaient rassuré les hommes, ils avaient fait des promesses et ils avaient ordonné certaines choses. Mais ce qu’ils dirent, avait tout d’abord été ridiculisé, raillé et ignoré. Ensuite, face aux évènements, ils furent écoutés ; puis à la fin ils furent complètement justifiés. De la même manière l’Église sera justifiée tout autant à terme, son témoignage sera établi et validé ; son service sera justifié et son autorité reconnue. Le témoignage a été maintenu et le ministère élargi à toutes les nations, tout ceci est survenu alors que les choses étaient limitées à des emprisonnements et des chaînes et semblaient perdues. L’intégralité de l’univers, des cieux et des nations a été touchée par ce ministère dispensé du fond d’une prison à Rome. Tous ceux qui sont un avec le Seigneur, Celui qui est sur le trône, seront justifiés et établis, bien que la voie pour parvenir au but ait été parfois encombrée d’embuches, de désastres et de tragédies ; et que les nombreuses erreurs aient suscité beaucoup de questions.

L’Echec de Tout ce qui Est de l’Homme


La justification et l’établissement dont il est question ci-dessus fut l’issue de ce qui apparut comme beaucoup d’opposition, d’adversités et de contradictions ; mais qui était en réalité le dépouillement de tout ce qui était humain. Le navire fut détruit par la mer, le vaisseau fabriqué par les hommes et utilisé souverainement par Dieu, afin de parvenir à ses fins, fut mis à l’écart alors que le propos de Dieu était sur le point d’être réalisé. Il y a beaucoup de choses faites par les hommes, même par des hommes de Dieu, que le Seigneur utilise, mais ces choses finissent toujours par disparaitre. Que ce soit des lieux de rencontre, des associations, des institutions, des organisations, ils sont tous par l’initiative de l’homme. Parfois ces choses sont utiles, elles contribuent à l’accomplissement du dessein de Dieu, mais comme le navire sur lequel naviguait Paul, elles ne sont que des moyens en vue d’un but. Ne mettez pas toute votre foi dans le vaisseau, ne donnez pas une valeur trop importante au lieu où vous vous réunissez ; ne surévaluez pas les moyens, ni l’instrument. Nous découvrirons que Dieu ne tient pas à préserver le moyen qu’il emploie pour parvenir à son but, Il ne maintiendra pas l’instrument utilisé pour toujours. C’est son Église qui l’occupe entièrement, qu’Il préserve, qui survivra à la fin de toutes choses ; les moyens pour y parvenir seront abandonnés car ils ne pourront jamais faire face aux assauts de Satan dans cette terrible tempête. Les forces du mal sont bien trop puissantes pour tout ce qui est de l’homme, mais elles ne pourront vaincre Dieu Lui-même, et son Église sera conquérante. Nous devons être vigilants quant à l’importance que nous donnons aux divers moyens que Dieu emploie comme par exemple le vaisseau utilisé pour parvenir à Rome, nous devons garder nos yeux sur le but. Tout ce que Dieu a pu utiliser sera éventuellement mis de coté, mais les valeurs éternelles de Dieu demeureront à jamais. Par ailleurs, ne nous inquiétons pas du fait que Dieu juge que le temps de se débarrasser d’un moyen ou d’un instrument soit arrivé. Peut-être ont-ils contribué utilement à l’accomplissement de la volonté divine, et peut-être que nos cœurs sont attachés à ceux-ci. Mais si le Seigneur décide de se défaire de ce moyen ou de cet instrument, ne pensons pas que c’est la fin de toutes choses de valeur. Veillons à ce que nos cœurs soient liés aux choses qui durent éternellement.

La Certitude du Parachèvement du But de Dieu


Le Seigneur est toujours triomphant, comme nous le voyons dans ce récit – et ainsi son Église triomphera. « Et ainsi nous arrivâmes à Rome », l’objectif est atteint et de quelle manière ! Il y eut tellement de travail de la part du Seigneur dans le cœur de ces hommes, ceux-ci avaient été dans l’expectative de beaucoup de choses, ils s’étaient imaginé comment leurs affaires allaient se conclure ; mais tout ceci fut mis à bas par le Seigneur. La Providence usa de voies entièrement différentes, utilisant les désappointements, les défaites, les bouleversements ; mais le propos de Dieu ne changea jamais. Ce qui avait été mis dans les cœurs de ces hommes traversa toutes ces circonstances et prouva être non pas la volonté des hommes mais de Dieu. On peut se demander ce que pensait Paul de toutes ces choses lorsqu’il arriva à Rome. Il dût se remémorer comment, au tout début, il eut à cœur d’aller à Rome, ses visions, ses attentes et son désir d’aller en Espagne ; il dût ensuite comparer ces choses à la façon dont il est arrivé à Rome. Il en est de même avec nous, ce n’est jamais comme nous nous y attendions, comme nous l’espérions, ni comme nous l’avions planifié ; mais nous y sommes ! C’est ce qui importe : arriver au but.

Ces principes spirituels peuvent être transférés de l’individu à l’Église. Combien de fois n’avons-nous pas observé les tempêtes, fait face à des situations difficiles, découvert nos fautes et nos erreurs et supporté les accusations de l’Adversaire, pour nous entendre dire « C’est sans espoir, nous n’y arriverons jamais ». Mais malgré tout nous persévérons, tout en sachant que nous ne sommes pas encore arrivés. Il en sera ainsi si nos cœurs sont aussi liés au Seigneur que l’était celui de Paul. Lorsque nous arriverons à destination nous pourrons dire : « Et ainsi nous arrivâmes aux cieux. » Nous nous observerons et nous nous dirons : « Frère tu ne pensais pas être ici, mais tu y es ». Dieu demeure souverain dans toutes ces choses, et si nous avons contribué quelque peu à l’accomplissement du dessein divin, nous devrions dire alors non pas « j’ai fait », mais plutôt : « Je fais une chose », Philippiens 3 :13. Évitons tous, jeunes et moins jeunes, de dire : « Je verrai plus tard, j’ai encore le temps, après mes études, après ma retraite, etc. » Ce que nous devrions tous dire c’est : « Je fais une chose » et je la fais maintenant. Si telle est notre attitude, alors nous pouvons compter sur la souveraineté de Dieu, qui peut-être changera nos plans et annulera nos attentes ; mais nous parviendrons au but et les cieux triompheront car nous serons parvenus au terme de notre périple spirituel.


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